dimanche 28 octobre 2012

Bulletin n° 49


Vigilance
Info
N°49 – novembre-décembre 2012
Bulletin de
Justice & Libertés
Comité de vigilance contre l’extrême droite et pour le respect de l’Etat de Droit
 
         Exclusion et rejet :
     Valeurs communes à
         l’UMP et au FN

Les efforts de Nicolas Sarkozy pour «extrême droitiser» l’UMP ont-ils fini par aboutir ? En effet les indices de convergence politique et idéologique se multiplient entre l’UMP et le FN.

Un militant marseillais de l’UMP, partisan d’une «droite dure», estime que dans son département «il n’y a qu’un «petit pont» entre l’UMP et le FN»(1). «Petit pont» ou  «boulevard», nous allons confronter les propos et réactions des représentants (élus ou non) de l’UMP et du FN, exprimés ou observés à propos de différentes questions de société.

Commençons par les «centres éducatifs fermés» (CEF). Les CEF, créés par une loi Perben de 2002, sont de petites structures qui accueillent 10 à 12 mineurs récidivistes de 13 à 18 ans, encadrés par une vingtaine d’éducateurs, pour six mois, renouvelables une fois. Le contrôleur général des lieux de privation de libertés s’était inquiété, le 1er décembre 2010, du «recours abusif, parfois usuel, des moyens de contraintes physiques» envers ceux qui restent «des enfants en difficulté(2)

 Pas d’espace public pour les
 agités «identitaires» (suite, page 3)



Voici l’état des lieux du CEF de Savigny-sur-Orge (Essonne) : «la situation dramatique de cette structure après sept mois d’observation. Tout est sale, dégradé et délabré» écrit la directrice du CEF. «Les mineurs mangent directement dans le plat par manque de vaisselle (…) Ma mission devient très difficile, sinon impossible


La garde des sceaux, Christiane Taubira, s’est prononcée contre les CEF et pour des centres en milieu ouvert qui limiteraient la récidive à 80% et que les transformer en centres fermés serait «incongru».

Voici quelques réactions-prises de position- presque identiques de la droite et l’extrême droite aux propositions de la garde des sceaux. «Mme Taubira défend une vision idéologique, passéiste et naïve d’une justice qui refuse toute place à la sanction » (Eric Ciotti, secrétaire national de l’UMP à la sécurité). La ministre mène une politique caractérisée par «une fascination envers le délinquant criminel» (Wallerand de Saint-Just- Front national).

Primer le répressif sur l’éducatif- qualifié par Eric Ciotti ou Wallerand de Saint-Just «vision idéologique, passéiste, naïve» ou «fascination envers le délinquant criminel»- constitue la culture sécuritaire commune à l’UMP et au Front National.

«L’Aide médicale de l’Etat» (AME) constitue un autre champ de convergence UMP-FN. Le FN vise ni plus ni moins à supprimer ce dispositif destiné à prendre en charge les dépenses médicales des étrangers sans ressources en situation irrégulière(3). Le FN, lui, voit dans ce dispositif «un appel d’air à l’immigration clandestine, alimentant les réseaux mafieux(3)

A son tour, président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, Christian Jacob a annoncé que les députés UMP seraient «très offensifs» sur l’AME. Dominique Tian, (UMP, Bouches-du-Rhône) dénonce l’AME, dans les mêmes termes que le FN : le «tourisme médical» qui alimente «des filières mafieuses» (3). Une position basée sur «l’exclusion et l’affrontement» et dénoncée par Marisol Touraine, ministre des affaires sociales.

Patrick Roger, journaliste au quotidien Le Monde, relève à juste titre que «sur certains thèmes, les mots de députés de droite rejoignent ceux de l’extrême droite. Les deux élus du FN se sentent alors peut-être un peu moins seuls(3) En effet, le débat sur la suppression du «droit de timbre» pour l’accès à l’AME accordée aux étrangers sans ressources en situation irrégulière, a offert l’occasion aux deux députés du FN, Marion Maréchal-Le Pen (Vaucluse) et Gilbert Collard (Gard) de descendre du dernier rang pour venir s’assoir à côté de leurs collègues de l’UMP, parmi lesquels ils se sont fondus(4).

La convergence entre l’UMP et le FN s’observe également sur la rafle du Vél’d’Hiv. Dimanche 22 juillet, au square des Martyres juifs, sur les lieux mêmes de l’ancien Vélodrome d’hiver, quai de Grenelle à Paris, le président de la République, François Hollande a rappelé, d’une part, que «la vérité, c’est que le crime fut commis en France, par la France», et d’autre part que : «pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l’ensemble de cette opération

La réaction de l’ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, n’a pas tardé à venir. Il se dit «scandalisé» par les propos de François Hollande sur la rafle du Vél’d’Hiv. Selon lui « …la France n’a rien avoir avec cela». Il faut rappeler que le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) dénonce les propos de M. Guaino (5). Qu’en pense Florian Philippot, l’un des vice-présidents du FN ? Selon lui, «il faut cesser de culpabiliser les Français»(7). Henri Guaino et Florian Philippot n’ont pas été démentis par leurs partis et nous estimons qu’ils parlaient au nom de leurs organisations respectives.

Un observateur averti ne trouve aucune différence entre la position de l’UMP et du FN sur la rafle du Vél’d’Hiv.

Ce n’est plus un secret pour personne que le rejet de l’étranger ou du Français d’origine étrangère est la marque de fabrique de l’UMP et du FN. Tout le monde se souvient encore d’Amine, militant d’origine maghrébine de l’UMP, participant à l’Université d’été 2009 de son parti. Alors ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux avait tenu des propos racistes sur Amine: «quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes… ».

Sous Sarkozy, l’immigré était la cible favorite et permanente des ministres UMP et du FN. Par exemple, pour lutter contre la «fraude sociale», Claude Guéant, alors ministre de l’intérieur, ciblait les étrangers. Il avait annoncé la «connexion», dès le 1er janvier 2012, «des fichiers des étrangers résidents en France et des fichiers de Sécurité sociale»(8). Selon les journalistes du quotidien Le Monde qui ont rédigé l’article, «l’annonce de M.Guéant s’inscrit dans la droite ligne des thèmes de campagne de l’UMP. Elle reprend aussi un sujet défendu par le candidate du FN à l’élection présidentielle, Marine Le Pen.»(8)

Or, la fraude fiscale des allocataires-Français et étrangers confondus- estimée par la Cour des comptes à environ 3 milliards d’euros par an, ne pèse rien face à la fraude fiscale des entreprises et des ménages aisés, qui s’élève, quant à elle, à 45 milliards d’euros (9). L’évasion fiscale s’élève à 50 milliards d’euros (12) et l’équivalent de dix fois la richesse de la France est caché dans les paradis fiscaux (13).

Imitant Marine Le Pen, Claude Guéant va jusqu’à dire que «la France accueille «trop» d’étrangers en situation régulière»(10).

Durant le quinquennat Sarkozy, pour exprimer leurs idées, l’UMP et le FN utilisaient le même langage : coût du travail et non salaire, «charges sociales et non cotisations, assistanat et non droits sociaux, libéralisme et non capitalisme, Etat-providence et non Etat social de droit». (11)

Les dirigeants de l’UMP ont-ils bien reçu le message que les Français leur ont envoyé à l’occasion des élections présidentielles et législatives 2012 ? Critiquant le «ni, ni»-ni alliance électorale avec le PS ni avec le FN- imposé lors des dernières législatives par l’UMP, François Baroin, l’ancien ministre de l’économie a dit : «on a perdu les municipales, les régionales les cantonales, les sénatoriales, la présidentielles, les législatives, il faut tirer les enseignements de tout ça»(14)

Pour l’ancien ministre, si 21 députés de la Droite populaire ont été battus aux dernières législatives, c’est la preuve que «l’opinion n’approuve pas» la course derrière le FN.

Mais, l’UMP est parcourue de courants divergents. Lionnel Luca, cofondateur de la «Droite populaire», fait une autre  lecture de l’échec des députés de son collectif. «Ce n’est pas la droitisation du discours qui fait perdre l’UMP, c’est le manque de droitisation des actes (…) Les gens attendaient le «Kärcher», ils ne l’ont pas eu… Du coup on a le vote FN(14)

Il y a du travail à l’UMP. Saura-t-elle revenir au bercail républicain ou continuera-t-elle à courir derrière le FN ? Le «collectif de la Droite populaire» et les «amis de Nicolas Sarkozy», association conduite par des Brice Hortefeux et des Nadine Morano, représentent un important courant situé à la droite extrême de l’UMP. Les républicains arriveront-ils un jour à se faire entendre ? Un sombre avenir attend l’UMP.
                                                                                                                                                                                                                A.R.


Pas d’espace public pour les agités «identitaires»

"Les lois de la physique politique sont tellement prévisibles: quand une partie de l'UMP, regroupée autour de Copé, mais avec une "résistance" de plus en plus molle de Fillon, reprend à son compte les vieilles lunes racistes et l es bobards véhiculées depuis des décennies par le FN, donnant à ce dernier un vernis de crédibilité, elle ouvre un boulevard à la droite de cette droite extrême, notamment avec les agités "identitaires": occupation du minaret de la mosquée de Poitiers, pétitions en ligne pour l'expulsion des clandestins, "jeune Bretagne" qui appelle à manifester devant un squat, convention identitaire annoncée à Orange le 29 octobre grâce à la bienveillance de Bompard... Il est plus que temps que tous les démocrates, celles et ceux qui ne veulent pas de ce climat d'intolérance brutale se manifestent avec nous. Pas d'espace public pour les fachos !"                                                                                                JLH                                                                                                                                         

mercredi 3 octobre 2012

Bulletin n° 48


Vigilance
Info
N°48 – septembre- octobre 2012
Bulletin de
Justice & Libertés
Comité de vigilance contre l’extrême droite et pour le respect de l’Etat de Droit
 
Pourquoi l’extrême droite est-elle
forte en Alsace ?

Après un bilan des actions et interventions-nombreuses et efficaces mais pas toujours très fournies en participants- de Justice & Libertés, et explications des associations sur leur manière de fonctionner- qui ont donné lieu à un projet de séminaire- nous débattons de l’étude intitulée : «Pourquoi l’extrême droite est-elle forte en Alsace ? » reproduite ci-dessous.

«Les saisons d’Alsace» de l’été 2005 ont annoncé «la fin du silence». Dans un article du type éditorial, Philippe Breton développe «l’immense silence qui a longtemps recouvert l’Alsace (…) silence auquel on a parfois opposé l’absence du «devoir de mémoire»»(1). Il énumère les sujets soumis à la loi du «silence» : silence sur les ralliés par opportunisme et sur les nazis par conviction ; sur ce que le bras a dû faire ; sur ceux qui sont restés et ont subi dans leur chair la violence de la propagande et de la torture des consciences ; sur les enrôlés de force, dans les multiples organisations nazies,…dans les SS ; sur les résistants ; etc. En parlant du «nécessaire silence», Philippe Breton conclut à juste titre : «le silence n’est pas l’oubli

Certes, l’objectif n’est pas de citer tous les sujets concernés par le «silence» et répertoriés par «Les saisons d’Alsace». Mais, force est de constater qu’un «silence» n’a pas eu droit de cité : le silence sur l’intensité de la propagande anti-juive de l’appareil nazi, alimentant l’antisémitisme en Alsace. Un silence qui continue à empoisonner la vie en Alsace.
Intéressons-nous à deux thèmes soumis au «silence» :


A-    La nazification de l’Alsace et la collaboration ;
B-    L’antisémitisme.
Pour développer ces thèmes-et afin de rester au plus près des évènements-je fais appel aux historiens et aux sociologues.

A-    Dans le cadre de la nazification de l’Alsace, «un vaste programme est mis en œuvre à marches forcées par le Gauleiter Wagner» : stage de rééducation (Umschulung) à l’idéologie nazie pour les enseignants et les fonctionnaires, surveillance des faits et gestes de la population par des Blockleiter et des Zellenleiter, affectation forcée de jeunes alsaciens dans les organisations de la jeunesse hitlérienne, période d’instruction des jeunes dans le Reichsrbeitsdiest (RAD), adhésion des salariés au Deutsch Arbeisfront, serment au Führer des fonctionnaires, etc. (Les saisons d’Alsace- été 2005- page 44- Leçon n°2).

Tous les observateurs de la période 1940-1945 insistent sur l’acharnement des occupants allemands à nazifier l’Alsace. Les quelques lignes que je viens de citer ne suffisent pas à rendre compte du travail systématique de l’appareil nazi en Alsace. Disons simplement que l’effort de propagande était particulièrement centré sur les jeunes. Combien d’entre eux ont définitivement rejeté l’idéologie nazie ?

Il y a des interrogations sur l’attitude des Alsaciens durant l’annexion.

Eugène Riedweg a qualifié leur comportement de globalement «attentiste». (Les saisons d’Alsace- été 2005- page 45).

Pour Bernard Vogler, «il s’agissait d’abord de survivre au jour le jour, de gagner du temps, parfois en donnant un gage pour avoir la paix. Résister, c’était risquer de se faire envoyer au camp de correction de Schirmeck». (Les saisons d’Alsace- été 2005- page 45).

Alfred Wahl est, lui, plus ferme : «certains Alsaciens se sont indubitablement ralliés volontairement au régime nazi. Leur adhésion allait bien au-delà d’une collaboration minimale. Mais, dans l’ensemble, on peut dire que la plupart des Alsaciens a été dans l’obligation de se rallier au système : il s’agissait en quelque sorte d’un ralliement de force.» (Les saisons d’Alsace-été 2005- page 45).

Pour Nicolas Stoskopf, «le concept d’attentisme ne reflète pas correctement le comportement d’ensemble des Alsaciens restés dans leur région pendant la guerre. (…) D’une certaine façon, les Alsaciens sont massivement et collectivement compromis, et cela se paye au regard de l’histoire.» (Les saisons d’Alsace- été 2005- page 45).

Existe-t-il une ligne de démarcation entre «ralliés de force» et collaborateurs, qualifiés par Alfred Wahl de «ralliés volontairement au régime nazi» ?

Après avoir classifié les «ralliés» en «vrais» et «faux» collaborateurs, Jean-Laurent Vonau, professeur émérite de l’Université de Strasbourg, qualifie de «évidemment…bien sûr suspects» les Alsaciens entrés dans la SA. Il ajoute : «plus on montait dans la hiérarchie, plus le ralliement était perceptible.» Par contre, «les membres du parti (les PG-Partei Genosse) étaient très majoritairement des nazis convaincus.» Combien étaient-ils ? «En juin 1944 le Gauleiter considérait que 75000 personnes étaient membres : 25000 Alsaciens et 50000 Allemands vivant en Alsace. Cela représentait alors, selon Riedweg, 2,3% de la population alsacienne.» Ainsi, «parmi les premiers ralliés, on constate fréquemment qu’un de leurs parents était allemand, le plus souvent la mère.» Et «un membre de la Hitler Jugend avant le 1er janvier 1942 est forcément un volontaire. (…) Les volontaires dans la Wehrmacht ne sont repérables que jusqu’au 25 août 1942.» (Les saisons d’Alsace n°44).

Historien et l’auteur d’une thèse consacrée à «La politique de nazification en Alsace», Lothar Kettenacker, est plus catégorique. Selon lui : «la population alsacienne était globalement d’accord avec l’annexion. Cependant, les autonomistes (mais pas leur composante catholique, plus régionaliste qu’irrédentiste) ont diffusé des idées fascistes et ont préparé le terrain.» Depuis combien de temps? Ce qui laisse à penser que la nazification de l’Alsace est antérieure à 1940.

Partageant l’avis de Lothar Kettenacker, Léon Strauss écrit : «lors de l’annexion, le terreau est en partie favorable au national-socialisme. Des aspects totalitaires du régime sont connus et acceptés dans certaines catégories, notamment chez les protestants luthériens

Lorsque Nicolas Stoskopf, historien, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Haute-Alsace, écrit que «les Alsaciens sont massivement et collectivement compromis », connaissait-il la position de Lothar Kettenacker et de Léon Strauss ?

Dès lors, il devient difficile de limiter le nombre des Alsaciens acquis à l’idéologie national-socialiste aux «volontaires» et aux membres du «NSDAP», donc à 2,3% voire 3% (selon Jean-Laurent Vonau- Les saisons d’Alsace n°44-page 101) de la population.

Globalement attentistes, ralliés volontaires au régime nazi, ralliés de force, Alsaciens compromis massivement et collectivement, volontaires, suspects, nazis convaincus…Force est de constater, primo, que beaucoup d’Alsaciens se sont, volontairement ou involontairement, compromis avec l’occupant nazi et son idéologie national-socialiste ; secundo, que les historiens ont beaucoup de divergences.

Une chose est sûre : l’idéologie nazie a été propagée en profondeur en Alsace, après que le terrain eut été préparé par des autonomistes germanophiles. D’autant plus que, «beaucoup d’Alsaciens, dont le grand-père avait été allemand entre 1870 et 1918, ne considéraient pas comme un crime de redevenir allemands. Ils n’interprétaient pas leur statut comme un passage au nazisme mais comme un retour à l’Allemagne suivant le balancier de l’histoire.» (Marc Ferro- Les saisons d’Alsace d’été 2005-page 40).

Parlant des «individus (qui), en dehors de toute contrainte, (…), décidèrent de s’engager du côté des nazis», Jean-Laurent Vonau écrit : «l’ordre et la discipline étaient, avec le travail, la famille, la terre, leurs valeurs de référence.» (Les saisons d’Alsace ; n° 44-page 98). Comment interpréter  les penchants actuels de certains Alsaciens, qui se définissent encore par rapport aux dites «valeurs de référence» ?

Lorsque Philippe Breton caractérise l’Alsace comme «laboratoire malgré elle de l’effet à long terme de la propagande et (…) empêtrée aujourd’hui dans son rapport paradoxal à l’extrême droite», pensait-il à la persistance des traces de l’idéologie nazie, encore vivantes, dans le subconscient de l’Alsace profonde, soixante-sept ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1945 ?
Dès lors une question taraude un observateur averti : lesdites traces constituent-elles le plus important des «silences», guidant ou renforçant l’ensemble des non-dits et des préjugés ? Constatons simplement qu’un immense silence perdure, qui recouvre encore la nazification et la collaboration en Alsace. Ce silence-là n’est pas prêt d’être rompu.

(1) Marc Ferro, lui, préfère effectuer non pas un devoir de mémoire, mais un travail de mémoire. (Les saisons d’Alsace-été 2005-page 40).
                                                                                                 A.R.
    


      La discussion s'amorce:

  _ On effectue un parallèle entre le silence qui entoure la nazification de l'Alsace et celui qui concerne la guerre d'Algérie, de même qu'entre les Alsaciens et les Harkis.

 _ L'Alsace a été partagée entre deux pays depuis Louis XIV. Identité fragile: L'Alsace était Allemande de 1870 à 1918. Il ne paraissait pas anormal à certains de redevenir allemands.

 _ Les conditions de la Résistance en Alsace étaient beaucoup plus dures qu'ailleurs en France. 200 000 Alsaciens se sont réfugiés dans le Sud-ouest. Sur chaque stèle du Limousin, on trouve des noms de résistants Alsaciens.

 _ la tentation de l'extrême-droite n'est pas une particularité alsacienne: le Var, qui accueille nombre de pieds noirs, est un fief de l'extrême-droite. A Nice, bien dotée en forces de police et en caméras de surveillance, elle parade, ce qu'elle ne réussit pas à faire à Strasbourg, grande capitale de gauche  et qui n'hésite pas à porter des femmes aux plus hautes responsabilités, ce qui est inédit en France.

 _ L'extrême-droite est le bras armé du grand capital. Les déçus d'une gauche capitaliste sont tentés par elle.
 _ Les medias informent peu sur les mobilisations contre l'austérité en Espagne et au Portugal et sur les progrès économiques qui accompagnent la démocratie en Amérique Latine (Brésil, Equateur).

 _ Mais la particularité concordataire de l'Alsace, où christianismes et judaïsme sont enseignés à l'école dans des cours séparés favorise le communautarisme. Il vaudrait mieux un enseignement global sur les religions, en classes entières. (À débattre. Laïcité d'accord fait un gros travail sur le concordat d'Alsace-Moselle).

Aucun des éléments cités ci-dessus n’est le déterminant essentiel du particularisme alsacien mais la somme d’éléments, tels que ceux donnés en exemple ci-après, explique la position d’une partie de l’électorat alsacien qui trouve dans certains propos de l’extrême droite un écho concordant à certaines convictions ou ressentis bien ancrés.

Eléments nourriciers de cette attitude :

Histoire d’une région «ballottée» entre 2 cultures opposées ;
Situation géographique (enfermement entre 2 chaînes de montagne séparées en plus par un fleuve objet de toutes les convoitises depuis des siècles) ;
Subsistance tenace d’un dialecte à ne pas confondre avec un patois ;
Utilisation de termes tels que «à l’intérieur» ou «en France» ;
Droit local maintenant un particularisme qui, dans le cadre notamment du concordat, a communautarisé autour de leurs églises des populations dont les rapports n’étaient pas, durant des décennies, conviviaux.

Sens de la discipline plus affuté qu’ailleurs et provenant des contraintes imposées principalement par la présence germanique ; il en découle une réceptivité accrue du respect des ordres et de « l’Ordre ».
Monopole d’un média écrit dominant et nombriliste cultivant savamment et de façon destructrice le culte d’une information d’extrême proximité et donc isolatrice et actrice du rejet par ignorance «des autres».

Tout ceci constitue, entre autres, une pile de raisons faisant de l’Alsace un territoire «pas comme les autres» ; seul le temps pourra atténuer ce particularisme dont les Alsaciens sont encore imbibés de façon consciente ou inconsciente. Le temps a déjà commencé son œuvre, dans la Communauté urbaine de Strasbourg le vote de gauche progresse.

  La conclusion fut que toutes les organisations qui militent à Justice & Libertés ont pour point commun de lutter contre les différents facteurs qui font le lit de l'extrême-droite (idéologie-désinformation-propagande- crise économique- manque de démocratie dans la construction européenne – ignorance- méconnaissance de l'autre- manque de moyens d'expression- etc.)