jeudi 10 novembre 2011

Assemblée générale de Justice & Libertés-Rapport d'activité


Justice & Libertés

Comité de vigilance contre l’extrême droite

et pour le respect de l’État de Droit

justiceetlibertes2@gmail.com

http://collectifjusticeetlibertes.blogspot.com

Menaces sur l’Etat de Droit

Rapport d’activité

Avec l’accès à la présidence de Nicolas Sarkozy en 2007, l’Etat français expérimente une nouvelle politique, celle de la haine, «semée entre les composantes de notre société». Cette politique, à caractère populiste, stigmatise en particulier les étrangers, les Français d’origine étrangère, les Roms, les musulmans, les pauvres, les prostitués, les chômeurs, les jeunes des banlieues, tous visés par différentes campagnes ou lois les montrant à la vindicte populaire.

Le quinquennat de Nicolas Sarkozy se caractérise par le développement d’un racisme d’Etat que la France n’avait pas connu depuis la période de Vichy. Invité à donner son avis sur la nomination éventuelle à la présidence de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) de Malik Boutih-fils d’immigrés algériens, socialiste, ancien président de SOS racisme et membre du Conseil économique et social-, Monsieur Longuet, ministre de la défense déclara, en effet : «c’est un homme de grande qualité, mais ce n’est pas le bon personnage. Parce qu’il vaut mieux que ce soit le corps français traditionnel qui se sente responsable de l’accueil de tous nos compatriotes» (LM du 12/03/2010). «Le corps français traditionnel» c’est une autre façon de dire «Français blanc de souche et catholique».

S’exprimant au sujet de Dominique Strauss-Kahn quand celui-ci était encore fréquentable, Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale déclare : «Dominique Strauss-Kahn, ce n’est pas (…) l’image de la France des terroirs et des territoires» (Le Monde Magazine du 19 février 2011). C’est vrai que «Christian Jacob», «Nicolas Sarkozy» ou «Carla Bruni-Sarkozy», tous blonds aux yeux bleus, font penser à une «France des terroirs et des territoires» plutôt que «Strauss-Kahn», juif aux cheveux noirs… A son tour, Alain Marleix, député (UMP) du Cantal et responsable des élections à l’UMP, qualifie de «Coréen national» le responsable écologiste Jean-Vincent Placé, tête de liste de la gauche pour les élections sénatoriales dans l’Essonne. Un dérapage de plus? Non, la pensée raciste dominante au sein du pouvoir ; et le président nous promettait, voici 4 ans, une «République irréprochable». Les esprits simples avaient compris un pouvoir appliquant pleinement la Constitution, respectant l’Etat de Droit et la devise de la République- Liberté, Egalité, Fraternité.

Voici le «coup de torchon» de Didier Pourquery, rédacteur en chef du Monde Magazine : «Restons sur cette affaire Tron. Je veux dire : sa démission du gouvernement, pour le reste il n’y a pas d’affaire puisque présomption d’innocence, etc. Est-il le cinquième ou le sixième ministre à quitter un gouvernement Fillon dans cette «République irréprochable» que le président appelait de ses vœux? Egrenons : Alain Joyandet (transport aérien), Christian Blanc (gros cigares), Eric Woerth (micro- partis), Michèle Alliot-Marie (vacances tunisiennes), Georges Tron (voûte plantaire) ça fait cinq ministres démissionnaires pour affaires délicates ou soupçons de malfaisance. Le sixième cité ici ou là est Brice Hortefeux. Il a juste quitté l’équipe à l’occasion d’un remaniement, certes à la suite d’une condamnation pour des propos équivoques sur les Auvergnats... C’est un peu comme Bernard Laporte (l’ami des casinos). Ou André Santini…Ou… Depuis que la République a été déclarée irréprochable, finalement, pas mal de ministres ont sauté.» (Le Monde Magasine du 4 juin 2011).

Ce n’est pas tout. L’UMP vire de plus en plus à droite et chasse, désormais, sur le terrain de l’extrême droite. En son sein s’est constitué un «collectif de la droite populaire»- composé d’une quarantaine de députés- ouvertement racistes, qui a l’oreille du président de la République.

Depuis 2007, la tâche des militants antifascistes devient de plus en plus ardue. En effet, avant 2007, l’ennemi avait le visage du Front national (FN) ou d’Alsace d’abord (AA), les partis organisés de l’extrême droite nationale et régionale. Depuis 2007, en plus des deux organisations citées, nous devons combattre également «le collectif de la droite populaire», «Riposte laïque», groupuscule formé soi-disant de militants issus de la mouvance de «gauche» et s’affichant avec «Bloc identitaire» ou «Résistance républicaine», alliés à l’extrême droite américaine regroupée autour du site internet «Jihad Watch». Les partisans dudit site, associés à «Riposte laïque» et à «Résistance républicaine» ont voulu organiser un rassemblement islamophobe à Strasbourg le 2 juillet 2011 que «Justice et Libertés» a empêché en organisant un contre rassemblement place de la République.

Voilà ce qu’a écrit Pierre Cassen, rédacteur en chef de «Riposte laïque» : «Nous découvrons deux feuilles saumâtres d’un collectif strasbourgeois, Justice et Libertés, qui, fort de tout ce que la gauche compte de partis, syndicats ou associations, se permet non seulement de nous diffamer mais en plus de prouver son manque de sérieux en proférant des mensonges grossiers, sans parler de pratiques qui ressemblent fort à celles d’une extrême droite que ces imposteurs prétendent combattre…Certes, en affirmant que Riposte laïque et Résistance républicaine sont islamophobes, il nous fait un compliment sans le vouloir.»

«Riposte laïque» manifeste au moins son honnêteté en assumant son islamophobie. Contestant le qualificatif de «raciste» proféré à leur encontre par «Justice et Libertés», Pierre Cassen ajoute : «Demander l’interdiction des mosquées et des minarets serait-il raciste ?» Il achève son article en attaquant les organisations membres de Justice et Libertés, en citant notamment : les messieurs du PCF, du Parti de Gauche et du Parti socialiste, du Mouvement français pour le Planning familial, de la FSU, du SNES, du SNUEP et autres UNSA éducation, sans épargner les Amis du Monde Diplomatique, ATTAC, Ras l’front ou la Ligue des Droits de l’Homme. (Article du n° 26, publié le 4 juillet 2011 par Pierre Cassen).

Désormais, «ce n’est pas à l’immigré, à l’étranger que l’on s’attaque, mais à «l’islamiste*», au nom des valeurs de la République» (Caroline Monnot & Abel Mestre-Le système Le Pen-DENOËL). Dans l’une des ses sorties sur les musulmans, Claude Guéant, ministre de l’intérieur n’hésite pas à déclarer en avril 2011, en marge d’un déplacement à Nantes, à la veille du débat de l’UMP sur la laïcité : «c’est vrai que l’accroissement du nombre des fidèles de cette religion (l’islam), un certain nombre de comportements, posent problème» (Le Monde du 05/04/2011). Problème à qui ? Dans la Constitution, trouve-t-on une clause limitant le nombre des citoyens appartenant à une ethnie ou à une religion ?

Nous voyons bien que la position des ministres et députés islamophobes est anticonstitutionnelle. En effet, l’Article premier de la Constitution est clair : «La République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race et de religion.» En stigmatisant différentes composantes de la nation française, messieurs les représentants de la nation marchent dans le sillage des partis antirépublicains comme le Front national et Alsace d’abord. C’est également l’opinion de Patrick Weil, historien, chercheur au CNRS, professeur associé à l’université de Yale (Etats-Unis), spécialiste des questions d’immigration. Pour lui «M. Guéant, depuis qu’il est ministre de l’intérieur, ne cesse de faire des distinctions entre Français, selon leur religion ou leur origine. Il viole ainsi l’un des piliers de notre République, le principe d’égalité, qui toujours été pour la France le principal facteur d’intégration nationale.» (Le Monde du 08/07/2011).

Le dernier exemple en date d’un comportement antirépublicain est l’organisation, par le «collectif de la droite populaire», d’un apéritif «saucisson et vin rouge» le 12 juillet 2011 au salon Gabriel à l’Assemblée nationale (Le Monde du 14/07/2011). Nos concitoyens juifs et musulmans sont visés par ce genre d’apéritif, lancé initialement par le Front national.

L’insistance avec laquelle les hautes autorités de l’Etat et certains représentants de la nation refusent le caractère multi- ethnique et multi-religieux du peuple français en mettant l’accent sur «le corps français traditionnel», «l’image de la France des terroirs et des territoires» ou le «Coréen national», inquiète. On n’est pas loin de la légitimation de la vision lepéniste de la France, lorsque Le Pen déclare : «La France stricto-sensu est née à l’aube du Moyen-âge de l’union subtile du vieux fond indo-européen et du christianisme» (René Monzat- Les voleurs d’avenir- Textuel).

Faut-il voir dans cette dérive populiste la tentative du pouvoir de chasser sur le terrain de l’extrême droite, au prix d’un alignement sur ses positions, ou une «drogue» pour faire oublier la grave crise économique et sociale que traverse la France? D’aucuns n’hésitent pas à mettre en parallèle l’actuelle crise économique et celle des années 1930 et l’avalanche de xénophobie et de racisme qui ont conduit l’humanité aux catastrophes que nous connaissons.

Dans ses bulletins et communiqués, Justice et Libertés a toujours dénoncé avec vigueur les dérives racistes et xénophobes du pouvoir actuel. Parallèlement, nous avons dénoncé les politiques économique et sociale du pouvoir qui ont amplement participé à l’aggravation de la crise que connait la France, creusant l’injustice sociale, favorisant la progression des thèses ethniques et racistes de l’extrême droite.

Candidat à l’élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy promettait qu’il n’augmenterait pas les impôts. Pourtant ses services ont «taxé les clés USB, les disques durs, les véhicules selon des caractéristiques fluctuantes au gré des lois de finances.» Ils ont même «taxé les poissons, les crustacés et les mollusques, avant que la commission européenne ne [leur] dise que, décidément, celle-là était peut-être de trop !» raillait le socialiste Jérôme Cahuzac. (Le Monde du 27/10/2011). Sous Nicolas Sarkozy, les hausses d’impôts sont évaluées à 50 milliards d’euros. Ces hausses touchent souvent la consommation des classes moyennes et populaires. Lors de son intervention télévisée du 27 octobre, Nicolas Sarkozy a annoncé un tour de vis de 6 à 8 milliards d’euros supplémentaires. Parallèlement, les cadeaux fiscaux s’élèvent à 75 milliards d’euros et le nombre de chômeurs a augmenté de 1 millions depuis 2007. Seule une rupture radicale avec le néolibéralisme permettrait à la France de s’en sortir.

C’est dans l’actuel climat de crise que l’extrême droite progresse. Marine Le Pen a lissé son discours sans renoncer aux fondamentaux de son parti. Le «Front national a été créé pour servir de maison à tous les nostalgiques de la monarchie de droit divin ou encore du maréchal Pétain, qui ont en commun de ne pas porter la loi de 1905 dans leur cœur, ni la République. «La Gueuse», comme ils l’appellent.» (Caroline Fourest et Fiammetta Venner- Marine Le Pen- Grasset). Pourtant, les sondages situent Marine Le Pen à 16% des intentions de votes. Les élections présidentielles de mai 2012 s’annoncent donc chaudes et «Justice et Libertés» aura sûrement beaucoup à faire.

L’année écoulée a été très chargée pour notre collectif. De l’organisation de la manifestation du 4 septembre 2010, initiée nationalement par la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), jusqu’au rassemblement du 2 juillet 2011, «Justice & Libertés» a relevé les défis de la lutte contre le racisme et l’islamophobie, qu’ils soient le fait de l’exécutif ou des extrêmes droites, locales et nationales.

Il est à souligner que, contrairement aux partis politiques et aux syndicats, Justice & Libertés n’a pas de force militante, mobilisable, à chaque occasion. Depuis sa création, notre collectif s’appuie sur la mobilisation des citoyens et, de ce point de vue, au cours de chaque rassemblement ou manifestation, nous avons été témoins de la participation de citoyens qu’on ne voit pas forcement par ailleurs.

Quelques exemples que vous pouvez consulter dans le classeur qui circule :

1- Après la votation suisse concernant l’interdiction de la construction de minarets, notre collectif a organisé un rassemblement de protestation place Kléber. Le rassemblement avait été organisé dans le cadre du respect des croyances des citoyens européens. Une dizaine de membres et sympathisants du collectif judéo arabe et citoyen pour la paix a participé au rassemblement.

2- Lors de la «marche contre le racisme» du 12 mars 2011, qui s’est déroulée de la mairie de Hœnheim jusqu’à la mairie de Schiltigheim, les amis socialistes de Hœnheim et de Bischheim ont mobilisé leurs conseillers municipaux et adhérents qui ont défilé derrière la banderole du collectif.

3- Pour dénoncer la marche aux flambeaux de «Jeune Alsace», groupuscule néo nazi, nous avons appelé à une contre manifestation à BARR. La veille, avec un jeune socialiste, nous avons distribué des tracts dans les boîtes aux lettres des habitants et devant le lycée Schuré. Six camarades membres des organisations de Justice & Libertés s’étaient rendus à BARR. Un membre d’EELV de la ville et un ami antifasciste Mosellan nous ont rejoints. Plus de vingt jeunes citoyens de BARR nous ont rejoints et voulaient même se rendre à Rosheim, le lieu de repli de «Jeune Alsace».

4- Pour dénoncer le rassemblement islamophobe de «Résistance républicaine» et de «Riposte laïque», rejoint par des islamophobes euro-américains, nous avons appelé à une contre manifestation le 2 juillet, place de la République. Les organisations islamophobes avaient, entre-temps annulé leur rassemblement. Mais, de façon symbolique, nous avons maintenu notre présence, annonçant une ronde de surveillance, organisée par le «Comité de vigilance». Il y avait pourtant une vingtaine de manifestants présents place de la République et notamment des personnes qu’on n’avait pas vu lors de nos manifestations antérieures.

Ces quelques exemples montrent bien que nous arrivons à mobiliser des citoyens lors des actions coup de poing, fréquentes, que nous préparons dans la précipitation.

Pour faire face aux nouveaux défis, «Justice & Libertés» devra renouveler son «Comité de vigilance», composé de camarades réactifs et relativement disponibles. En effet, nous ne pouvons pas laisser la rue à l’extrême droite dont l’agenda nous est souvent imposé. Je vous propose également de choisir un ou deux porte-paroles en mesure de prendre des décisions et d’intervenir au nom du collectif.

Nous devons également choisir un comité de rédaction dont la tâche est de mener un travail d’éducation populaire permanent et efficace. Voilà les enjeux. A nous de les relever.

*Musulman intégriste

Ali, 09/11/2011